CONFÉRENCE DE LUC RÉVILLON
Tintin, de l’aventurier-reporter au gentleman-pantouflard
Les Lyriades de la langue française et la Renaissance de la Doutre ont coorganisé le 5ème Salon du Livre ancien le week-end des 11 mars et 12 mars 2023, aux Greniers Saint-Jean à Angers.
Plusieurs conférenciers sont intervenus au cours de cette édition consacrée à la bande dessinée et au manga, Bulles en stock. François Comte a présenté l’histoire d’Angers en BD ; Jacques Labarre a évoqué le rôle de la bande dessinée projetée sous forme de brefs films dans les écoles et les patronages des années 50 ; Romain Ollivier a évoqué l’histoire du Manga depuis le Japon jusqu’en France et François-Jean Goudeau a analysé les multiples rapports entre littérature et bande dessinée.
Et au cours de cette conférence intitulée, Tintin, de l’aventurier-reporter au gentleman-pantouflard, Luc Révillon, spécialiste de l’œuvre d’Hergé, a déroulé le parcours du héros de Georges Rémi, RG. Le fameux héros est né en 1930, date de sa création avec son fidèle Milou, pour le supplément hebdomadaire Le Petit Vingtième du quotidien catholique Le Vingtième Siècle, dirigé par son mentor l’abbé Wallez. Si Tintin n’est plus à présenter, l’analyse de Luc Révillon, véritable « hagiographe tintinophile », offre l’originalité d’établir un parallèle entre la vie du héros et celle de son père spirituel.
La première époque
Le premier album, paru en 1930, porte le titre de Tintin reporter du « Petit Vingtième » au Pays des Soviets, indiquant explicitement la fonction du héros-journaliste et le pays d’investigation. Cette mention perdure dans les albums suivants qui racontent les missions que se donne le jeune journaliste au Congo (1931), en Amérique (1932), en Orient (Les Cigares du pharaon 1934), en Extrême Orient (Le Lotus bleu 1936), en Amérique du Sud (L’Oreille cassée, 1937) et dans une île britannique (L’Île noire, 1938). En 1939, la mention de reporter disparaît dans Le Sceptre d’Ottokar qui se déroule à Prague et en Syldavie. Ainsi, les titres évoluent comme le héros.
Dans ces albums de la première période, Tintin est un reporter qui ne se contente pas d’être un observateur, mais prend part à l’action et même prend aussi des risques. Hergé s’inspire de l’actualité immédiate belge et internationale, comme de la vie de reporters-vedettes, par exemple Albert Londres, dont les reportages rendent compte de son engagement dans le dévoilement de l’actualité internationale. Mais, le scénariste-dessinateur ne voyage pas à cette époque et tire sa documentation de sources écrites comme les guides de voyages.
Les tournants
Un tournant intervient lors de la rencontre d’Hergé avec Tchang Tchong-jen, responsable des étudiants chinois de Belgique. Il prend alors conscience de l’intérêt de se documenter plus sérieusement et de construire plus solidement le scénario. Il introduit aussi un ami auprès de Tintin. A partir de l’album Le Crabe aux pinces d’or, Tintin cesse d’être solitaire et s’entoure de ses premiers comparses : le capitaine Haddock, le professeur Tournesol.
Et puis, il acquiert une vaste résidence secondaire qu’il transpose dans ses albums sous le nom de château de Moulinsart. Tintin savoure la campagne tout comme son maître et voyage moins ; il vit davantage ses aventures par procuration et ne se déplace plus que pour aider ses amis, au Tibet, au Népal … La véritable aventure, c’est terminé. Il est déçu en retournant, 40 ans plus tard, sur les lieux du Sceptre d’Ottokar, d’y découvrir des cars de touristes.
Alors Hergé, le gentleman-pantouflard, a-t-il voyagé par procuration parce qu’il rêvait d’être Albert Londres ? Certes, mais à partir de 1956, suite à un changement dans sa vie privée, ses publications sont plus espacées en dépit des dix collaborateurs de ses Studios. Alors Hergé voyage, vivant sa vie à l’inverse de son personnage devenu pantouflard.
En savoir plus sur le site officiel : https://www.tintin.com/fr
L’angevin Luc Révillon est scénariste de bandes dessinées et un tintinophile reconnu. Détenteur d’un diplôme d’études approfondies (DEA) en Histoire et Civilisations, Luc Révillon s’est spécialisé dans les relations entre bande dessinée et histoire et fait référence en la matière.